Laissons
la parole aux parents de ...
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Yann,
sourd profond, 16 ans
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Qu’est-ce qui a motivé votre choix du LPC ? |
Comme tous les parents d'enfant sourds, notre première préoccupation a été de maintenir la communication avec notre bébé (il avait neuf mois). Quand nous avons appris que, par la seule lecture labiale, il ne recevrait que 30% de l’information nécessaire pour comprendre le français oral, il nous est apparu évident, qu'il nous faudrait utiliser un mode de communication visuel. En effet, pour apprendre normalement et développer son intelligence, il lui fallait acquérir un langage aussi élaboré que n’importe quel enfant entendant. Cela ne pouvait se faire qu’au travers d’un bain de langage quasi équivalent à celui dont bénéficie l’enfant entendant. Et ce bain de langage, nous seuls pouvions le lui apporter, car c’est nous qui étions présents auprès de lui dans les situations de la vie quotidienne. Nous
avons choisi le LPC plutôt que la langue des signes parce qu’il
reproduisait visuellement la langue française, langue qui serait le mode
de communication obligé de notre enfant dans un monde essentiellement
composé d’entendants. Evidemment, rentrait dans ce choix le souhait
qu’il reste dans notre univers langagier, qu'il puisse échanger
non seulement avec nous mais aussi avec ses grands-parents, ses cousins,
ses copains de quartier et d'école. |
Comment avez-vous introduit le LPC dans votre vie quotidienne ? A quel moment ? Par qui ? |
Nous
avons commencé à coder alors que notre fils avait un an, dans
toutes les situations de la vie quotidienne. Nous ne pouvions pas coder
des phrases complètes car notre code était très lent
au début. Nous avons donc privilégié les mots couramment
utilisés avec lui (papa, maman, le nom de sa soeur, de ses grands-parents,
et d’autres mots usuels comme bain, lait, attends, donne, etc.) Nous les
connaissions par coeur et nous les codions sous forme de jeu, en accentuant
les mouvements. Aussi, il a manifesté son intérêt parce
que le code n'était ni mécanique, ni plaqué, mais attaché
à des situations concrètes. Les mots codés étaient
pour lui aussi évocateurs et signifiants que les gestes de la langue
des signes. Petite précision, nous avons utilisé un certain nombre de mots de la langue des signes pour que notre enfants puisse s'exprimer de son côté. Mais très rapidement il a voulu oraliser, bien que les mots qu'il prononçait soient alors très difficilement compréhensibles. Comme, au fil des mois, nous employions de plus en plus de phrases (à force d’utilisation notre code devenait rapide), nous avons eu l’impression qu’il entrait dans la langue française parce qu'elle était source de plaisir et de sentiments et qu'en oralisant, même mal, il cherchait à faire comme nous. Le français codé devenait en quelque sorte Sa langue. |
Jusqu'alors, quel a été l'apport du LPC pour vous et votre enfant ? |
Le
grand intérêt du LPC a résidé dans le fait que
nous pouvions communiquer presque sans contrainte (presque, car ce n'est
jamais aussi simple qu’avec un enfant entendant), en tous cas complètement
et sans être obligé à chaque fois de chercher le signe
qui signifiait une péniche, un cargo, un chalutier, un paquebot,
et non, de façon réductrice, un bateau. Dès ses premières années, notre enfant a acquis la syntaxe de la langue française avec des défauts relativement minimes, ce qui lui permettait d'exprimer (à peu près, il ne faut pas idéaliser ce qui continue à demander un effort de compréhension) ses demandes, ses sentiments, de raconter les événements de sa vie. Il a acquis la lecture sans problème et à l'âge normal, ce qui lui a permis d'accéder aux apprentissages offerts à un enfant ordinaire. Au fil des années, nous avions l’impression qu'il comprenait de mieux en mieux ce que nous lui disions sans qu’il y ait besoin de coder intégralement. Et, vers neuf ou dix ans, nous nous sommes aperçu que, pour un grand nombre de situations de la vie quotidienne, il n'avait pratiquement plus besoin de code sauf pour des incompréhensions ponctuelles. Même dans les leçons et les devoirs à la maison, il comprenait assez bien les explications données à voix posée et bien articulées. Aujourd’hui qu'il est adolescent, nous n'utilisons plus le code que pour préciser des mots ou des phrases qu'il ne comprend pas du premier coup, ce qui rend notre échange plus rapide. Ce qui nous a étonné dans l'apport du LPC, au-delà de tout ce que nous imaginions, c’est donc le niveau de suppléance mentale que l'utisation du code avait développé chez notre enfant et l'autonomie qui en découlait dans les situations extra-familiales, situations dans lesquelles il ne pouvait discriminer les sosies labiaux à l'aide du code. Cette suppléance mentale, il l'a acquise grâce à la diversité des situations complexes qu'il a pu comprendre dans leurs finesses à l'aide du LPC utilisé au cours de son enfance. C'est le bénéfice essentiel du LPC : plus l'enfant vit confortablement des situations de communication en langue française, mieux il saura se débrouiller dans les situations de la vie avec les entendants. |
Quels conseils donneriez-vous à des parents qui commencent à utiliser le LPC ? |
Commencez
le plus tôt possible, même avec un LPC insuffisamment maîtrisé,
par des mots courants dans des situations vivantes pour l'enfant, qui suscitent
son intérêt pour le code parce qu'il obtient des réponses
à ses attentes, partage des moments joyeux (et parfois furieux) avec
ses parents, au cours desquels il s'amuse et apprend la vie. Faites un petit effort au départ pour en tirer un très grand bénéfice quelques années plus tard. On n'acquiert de la fluidité et de la spontanéité qu'en codant un peu chaque jour (il ne faut pas se cacher qu'au début, la recherche des clés est fastidieuse et qu'il faut deux à trois années pour qu'elles deviennent automatiques). Faites au moins un quart d'heure par jour de LPC sans votre enfant : devant la télévision, avant de dormir, en voiture, en marchant, sur des chansons, etc. Vos progrès seront sensibles et vous encourageront à poursuivre. Deux situations de langage sont particulièrement favorables à l'utilisation du LPC parce que l'attention de l'enfant y est élevée : le repas et les histoires. Essayez donc de coder les dialogues au cours du repas et de commenter de petites histoires imagées dans les livres pour enfant (l’histoire qu'on raconte chaque soir avant de s'endormir, tellement importante pour que l'enfant ait envie de lire !). Au début, rencontrez d'autres parents qui codent. C'est joyeux et stimulant. Bon courage. Le LPC n'est pas difficile. Il demande seulement un effort régulier au début. Pour le plus grand bénéfice de votre enfant ! |